Marie Besnard l’empoisonneuse et mon arrière grand-mère

arbre généalogique

Votre arbre vous mènera parfois dans des contrées que vous ne soupçonniez pas. On s’est tous demandé si nous descendions d’un personnage célèbre. Il paraît que 9 personnes sur 10 descendent de Charlemagne.

Et parfois on se dit que… on aurait peut-être préféré ne pas savoir ou au contraire que c’est assez excitant. Bref… chacun se fait son avis suivant sa propre histoire.

Michel Albert Bouyrie, une vie de roman

Généalogie familiale

Michel dit « Albert » Bouyrie était mon arrière-grand-père. C’est l’un de mes premiers ancêtres que j’ai recherché. J’ai tout de suite tiqué quand j’ai lu l’acte de naissance de mon grand-père, son fils. Une date et un lieu de naissance étaient clairement lisibles mais barrés. En marge, le correctif qui renvoyait vers une autre date et un autre lieu. C’était celui de Michel Albert Bouyrie, son père. Sauf que je n’ai rien trouvé ! Je débutais en généalogie et j’ai tout simplement pensé que les écritures barrées étaient une simple erreur comme il y en a souvent. Un vrai piège pour les généalogistes. Je n’ai pas vérifié ces mentions barrées. Mais j’étais bloqué sur les date et lieu en mention marginale.

J’ai classé l’acte de naissance de mon grand-père qui prenait la poussière (l’acte, pas mon grand-père). Ce dernier était mutique et jouait les sourds quand je lui posais des questions. Il ne m’a répondu qu’une seule fois Mon père ne s’est jamais appelé Bouyrie mais Labarthe. Je suis tombé de ma chaise ! J’avais entre temps retrouvé 5 enfants de Michel Albert : Raymond né en 1913, Yvonne née en 1919, Roger mon grand-père né en 1923, André né et mort en 1929 et Robert que j’ai connu né en 1932. Ils portaient tous le nom de Bouyrie.

Pourquoi m’avait-il dit que son père s’appelait Labarthe ?

Ma recherche m’a finalement conduit à Michel Albert. C’était la bonne date mais pas le bon lieu. J’avais donc dû passer en revue plusieurs lieux pour finir par trouver le bon. Né en 1887 à Messanges dans les Landes, il était résinier comme mon grand-père quand il était jeune. Il s’est marié en 1912 avec Antonia Cantegril. Ils ont eu un premier enfant Raymond.

Puis Michel a été mobilisé pour la grande guerre 14-18. J’ai perdu sa trace car je n’étais que débutant en généalogie.

Des années ont passé mais j’étais devenu un généalogiste plus aguerri. Après de longues années à avoir cessé de le retrouver, j’ai repris mes recherches. Et je suis tombé sur le trésor que je cherchais.

J’ai pu retracer son parcours militaire. Mobilisé dans un premier temps au 18ème Régiment d’infanterie puis au 14ème et dans d’autres corps par la suite, il était chauffeur et livrait sans doute des vivres ou des armes dans les camps, parfois sous les bombardements. Il s’est d’ailleurs distingué ce faisant. Une longue période à l’infirmerie de plusieurs mois puis le retour sur le front. J’ai retrouvé chaque date, au jour près, chaque bataille, chaque lieu d’affectation.

Ce qui semble bizarre, c’est qu’il ne semble jamais avoir été permissionnaire. Les permissions étaient pourtant accordées pour la première fois pendant cette guerre.

Retour au bercail, à Barbaste dans le Lot-et-Garonne en juillet 1919. Il est libéré. Surprise : Antonia ne l’a pas attendue et Yvonne est née 2 mois plus tôt. Je n’ose imaginer le tsunami dans la tête de ce soldat qui avait souffert à qui l’on infligeait l’ultime blessure.

En 1921, il est toujours à Barbaste mais il est déjà parti depuis longtemps de son foyer. Il vit ailleurs, dans le village avec une certaine Marie Clavet. Puis je le retrouve les années suivantes dans le Rhône où il ne restera pas longtemps puis en Seine-Maritime, à Yainville exactement.

Il a refait sa vie. Il vit avec Maria Fromont et ses enfants qu’elle a eu avec son mari qui n’est plus là. Il aura été tour à tour résinier, cultivateur, cloutier, chauffeur pendant la guerre, mécanicien puis aide jardinier chez Leclercq Masurel, l’industriel.

Antonia, de son côté aura eu 4 enfants qui ne sont pas issus du mariage avec Albert mais ils ont tous porté son nom. Pourquoi ? La honte ? Parce que toujours mariée et non divorcée ?

Ça c’est l’histoire de mon arrière-grand-père qui finalement a rempilé en 1936 car il a été « réintégré ».

La question que je me suis toujours posée est : qui était ce Labarthe dont me parlait mon grand-père ? Et puis je déterre un vieux carton de généalogie plein de poussière. Je recherche l’acte de naissance de mon grand-père, celui où il y avait des écritures barrées. Je ne l’avais pas vu depuis de si longues années. Je le retrouve parmi les multiples actes empilés dans un vieux classeur.

L’acte ne mentionne pas Albert. Eh oui, on est alors en 1923 et il s’est passé ce qu’on a vu précédemment. Mais en bas de l’acte, il est écrit en présence de Pierre Labarthe. L’écriture barrée en début d’acte mentionne une date et un lieu de naissance. Je suis allé fouiller dans les archives. Qui ai-je trouvé à ce lieu et cette date ? Pierre Labarthe ! Son acte de naissance. Quand Antonia est allé déclarer, reconnaître son fils Roger, et qu’elle a fallu donner la date de naissance du père, elle s’est tout simplement perdue en donnant celle du père naturel tout en donnant le nom de mon arrière-grand-père. Elle a dû s’en apercevoir une fois que le mal était fait et inscrit sur l’acte, d’où le fait que ce soit barré et qu’il y ait une mention marginale. Sans cet étourdissement d’Antonia, je n’aurais jamais retrouvé le père naturel de mon grand-père.

La solution était sous mes yeux depuis le début. Débutant que j’étais, je ne m’étais douté de rien. Aujourd’hui mon expérience ne me joue plus des tours et j’en rigole. J’avais trouvé le deuxième trésor.

Mon grand-père me l’avait dit Mon père ne s’est jamais appelé Bouyrie mais Labarthe. Il m’avait donné la clé du coffre.

Quel curieux destin qu’a eu cet homme, mon arrière grand-père, Michel Albert Bouyrie qui aura traversé 2 guerres comme combattant pour celle de 14-18 (réintégré pour la seconde), qui aura 5 enfants portant son nom dont 4 qui ne sont pas de lui et dont il n’aura même jamais connu l’existence.

Et pendant qu’il était réintégré en 1936 dans les corps d’armée, mon grand-père, lui, sans le savoir à cette époque, se préparait déjà pour participer à la seconde guerre mondiale dont il en tirera la Légion d’Honneur pour s’être distingué comme résistant dans un affrontement terrible dont lui seul s’est sorti vivant. Il avait 21 ans.

Chacun de son côté, père et fils, à des centaines de kilomètres l’un de l’autre, sans se connaître, allait suivre son destin.